Les écosystèmes marins, difficiles d’accès, sont longtemps restés peu étudiés par rapport à leurs homologues terrestres. Aujourd’hui, l’étude des enregistrements géologiques, les nouvelles méthodes d’observations satellites et d’échantillonnages à haute résolution spatiale et temporelle permettent d’avoir une meilleure idée de leur organisation et de leur fonctionnement. A l’aube de la décennie des Océans, l’observation intégrée (multidisciplinaire et multi-échelles) des écosystèmes marins est indispensable pour identifier et quantifier les différentes échelles de variations. En particulier, les zones côtières, situées à l’interface entre les écosystèmes continentaux et océaniques, qui jouent un rôle primordial dans les cycles biogéochimiques océaniques sont soumises à une forte variabilité spatiale (e.g. variations rapides en réponse à des évènements extrêmes, oscillations saisonnières, variations interannuelles) et temporelle à laquelle viennent se surimposer des variations liées à l’impact des changements environnementaux naturel et/ou anthropique. L’identification de l’impact des changements environnementaux sur les propriétés biogéochimiques des zones côtières représente actuellement une thématique scientifique majeure qui s’inscrit dans un contexte de mise en place, à l’échelle européenne, de politiques environnementales de suivi de la qualité de ces masses d’eau particulièrement vulnérables (Directive Cadre sur l’Eau DCE, Directive Cadre Stratégie pour le Milieu Marin, DCSMM).
Le réchauffement actuel, en majeure partie absorbé par les océans, provoque des changements dans la répartition et la phénologie des espèces planctoniques, entraînant une altération des réseaux trophiques avec des conséquences désastreuses sur certaines espèces de poissons exploitées et sur les activités économiques qui en dépendent. Les organismes planctoniques permettent de caractériser l’état des écosystèmes marins et du changement climatique. Il est donc nécessaire d’optimiser les approches et outils de suivi et surveillance pour évaluer l’état des écosystèmes et permettre leur exploitation optimale et durable.
Parmi les composantes biologiques de ces écosystèmes, le phytoplancton, premier maillon des réseaux trophiques et médiateur essentiel des cycles biogéochimiques dont celui du carbone, est capable de répondre rapidement aux modifications de la qualité des eaux : par exemple, la modification de leur composition et/ou la prolifération de certaines espèces (blooms), parmi lesquelles des micro-algues potentiellement nuisibles (ou HAB). Le suivi des communautés phytoplanctoniques nécessite des moyens et outils variés et complémentaires. Le déploiement au cours de la dernière décennie de dispositifs innovants de détection in vivo et in situ du phytoplancton a permis de développer une approche à haute fréquence (bi-mensuelle à mensuelle) associée à différentes actions d’observation (en station avec les services nationaux d’observation, réseaux nationaux ou régionaux, actions de recherche, campagnes sur des navires côtiers et hauturiers, mouillages fixes à la côte et au large, navires d’opportunité, télédétection, modélisation). Ces dispositifs favorisent le suivi en temps réel et permettent la compréhension de certains processus, parfois nuisibles pour l’écosystème et/ou pour l’Homme et la quantification de l’impact d’évènements intermittents et/ou extrêmes. Ils nécessitent une expertise technique et analytique particulière (caractère innovant des appareils, standardisation et interopérabilité explorée dans le cadre de collaborations nationales et internationales) et génèrent une masse importante de données, nécessitant le développement des approches et outils de traitement et de classification semi-automatisés. Dans le contexte du CPER IDEAL, il s’agira de consolider l’observatoire intégré du phytoplancton, bénéficiant à la fois des capteurs acquis dans MARCO et de l’expertise développée en lien avec les coopérations nationales et internationales. Le premier objectif sera d’avancer dans l’établissement de procédures opérationnelles communes pour l’interopérabilité des mesures effectués avec les capteurs et approches comparables, en améliorant le pouvoir de résolution et les protocoles. Il s’agira également de fournir des outils (algorithmes, interfaces et nouvelles métriques) permettant d’exploiter diverses sources d’informations à des échelles d’acquisitions différentes en combinant apprentissage par transfert et apprentissage actif. En complément du suivi de la diversité fonctionnelle, un dispositif unique permettant de coupler l’analyse d’image à haute résolution et grande capacité de stockage sera associé aux caractérisations optiques d’ensemble ou au niveau cellulaire. Ainsi, nous consoliderons l’observatoire intégré de la dynamique phytoplanctonique du CPER IDEAL comme un appui aux services et réseaux d’observation et surveillance et aux projets nationaux et internationaux en cours (H2020 INFRAIA JERICO S3), déposés (PPR OCEAN RioMAR et FutureOBS, Marie Sdlodowska-Curie) ou à déposer (Horizon Biodiversité, H2020 INFRAIA DEV OBAMA NEXT).
Le zooplancton est un compartiment particulièrement productif et son rôle charnière entre la production primaire et les niveaux trophiques plus élevés est aujourd’hui clairement démontré. D’un point de vue écologique et écosystémique, le zooplancton a une grande importance dans les écosystèmes marins car il contribue de manière significative aux flux de matières et représente une grande partie de l’alimentation de nombreuses larves de poissons et aussi de certains poissons adultes que nous consommons. De plus, la plupart des espèces du zooplancton ont une durée de vie relativement courte et peuvent présenter des taux de croissances élevés les rendant particulièrement sensibles aux variations environnementales. Cela se traduit par des modifications de l’abondance, de la structure et de la phénologie des communautés. De ce fait, le zooplancton est un excellent indicateur biologique des changements de l’environnement. Ce volet aura pour objectifs, non seulement de valoriser l’effort d’échantillonnage mais surtout de constituer une base de données pérenne, permettant l’étude à long terme des communautés zooplanctoniques dans une zone de la Manche Orientale sous forte influence anthropique. Plus largement, cela contribuera à inclure de manière pérenne la station de prélèvement Wimereux-Côte dans le projet de SNO consacré au zooplancton, ZooNet, et permettra à terme de quantifier les variations saisonnières, annuelles ou à long terme des communautés zooplanctoniques en réponse aux changements environnementaux.
De nombreuses tensions, exacerbées par le Brexit, se font déjà ressentir autour de l’exploitation des ressources marines dans le secteur de la Manche. Une accentuation du réchauffement dans les décennies à venir aurait des conséquences importantes en Manche, les communautés planctoniques étant déjà en pleine réorganisation. Il est par conséquent primordial de caractériser au plus vite les facteurs environnementaux à l’origine de la répartition spatiale et temporelle du plancton afin d’anticiper, de nous adapter aux nouvelles conditions environnementales et de prédire comment les écosystèmes et les communautés vont se réorganiser. Cette compréhension est un enjeu de recherches indispensables à la gestion au long terme des écosystèmes marins. Les objectifs seront de mettre en place de nouveaux indicateurs pour mieux comprendre le fonctionnement des écosystèmes marins et anticiper les conséquences des changements globaux sur les ressources exploitées en Manche afin d’identifier des états de référence relatifs des écosystèmes par le développement d’indicateurs et d’outils mathématiques, de caractériser les changements majeurs dans les écosystèmes et d’anticiper les nouveaux écosystèmes en Manche. Ces nouveaux indicateurs seront construits théoriquement (développement de METAL- MacroEcological Theory on the Arrangment of Life) mais aussi grâce aux données acquises au moyen du Continuous Plankton Recorder (CPR).
En parallèle, le suivi du trait de côte et la géomorphologie sédimentaire est un volet essentiel de la caractérisation de la vulnérabilité des littoraux, s’insérant totalement dans les actions du CPER IDEaL, en développant le plateau d’observation et géovisualisation des dunes de l’espace littoral régional. La dune de Ghyvelde, à l’Est du littoral dunkerquois, témoigne des dernières phases d’avancées du littoral il y a 2800 ans BP. Il s’agit de comprendre l’origine, l’architecture et l’évolution de cette dune, afin de mieux décrire le paléotrait de côte et de documenter les conséquences des submersions en contexte de future hausse du niveau marin sous contrainte anthropique. Cette dune constitue un terrain idéal pour tester les avancées permises par le géoradar pour la détection des hétérogénéités du sous-sol dans la zone critique et le suivi topographique par photogrammétrie sur drone.
Les approches basées uniquement sur les mesures de séries temporelles à basse fréquence ou issues de campagnes océanographiques ponctuelles bien qu’essentielles, sont parfois insuffisantes pour étudier un phénomène à large échelle temporelle ou spatiale. Dans ce contexte, l’approche par télédétection est un outil très puissant car elle permet d’estimer différents paramètres physiques et biogéochimiques à l’échelle régionale ou globale et à différentes résolutions temporelles, qui ne sont pas accessibles par les mesures in situ. Les données satellites ne sont pas aussi précises que les données in situ et sont limitées à la couche de surface, mais ces limitations sont compensées par la haute couverture spatiale et temporelle des observations satellites. Il s’agira de développer de nouvelles méthodologies permettant d’optimiser les informations fournies par les données terrain et satellites et/ou de nouveaux algorithmes pour estimer de nouveaux produits biogéochimiques depuis l’espace en se basant sur les variations de paramètres biogéochimiques clefs en Manche/Mer du Nord aux différentes échelles obtenues par observations in situ et les données des différents capteurs satellites couleur de l’eau.
Enfin, les stations de mesures instrumentées et les capteurs d’opportunité permettent aujourd’hui d’obtenir une photographie d’un processus particulier avec une résolution et/ou précision permettant des analyses statistiques ou exploratoires dans un but de compréhension, mais aussi de modélisation puis d’aide à la décision. Les changements brusques ces deux dernières décennies imposent aujourd’hui de repenser nos approches de modélisation et de prédiction mais aussi les hypothèses et conclusions expertes qui ont été faites et publiées. La combinaison de techniques de classification non supervisée et supervisée (uHMM : modélisation par Modèle de Markov construite à partir d’un clustering spectral) a déjà apporté une voie intéressante pour l’analyse de ses séries de mesures et la détection de nouveaux événements rares ou extrêmes (clustering spectral multi-niveau) susceptibles d’impacter fortement les écosystèmes côtiers. Cependant cette approche reste à développer afin d’apporter une interprétation fiable des phénomènes passés et futurs en combinant : des techniques Intelligence Artificielle par apprentissage actif, l’estimation réelle des phénomènes passés par des approches d’estimation élastique, et des techniques de fusion d’information et de décision par une modélisation des incertitudes tout le long de la chaîne de traitement.
Équipements disponible:
Capteur d’éclairement TRIOS UV
Ces radiomètres vont nous permettre d’étudier l’impact du rayonnement UV sur
la matière bio-géochimique présente dans le milieu marin.
Capteur de retrodiffusion SC6
Le SC6 est un instrument récemment commercialisé, autonome, permettant de
mesurer in-situ le coefficient de rétrodiffusion à 6 longueurs d’onde. Les valeurs de rétrodiffusions sont des entrées couramment utilisées dans les modèles bio-optiques (estimations de carbone organique particulaire par exemple)
ADCP Mobile à longue portée 600 kHz RDI
ADCP est un profileur acoustique Doppler pour la mesure de la vitesse des courants. Il permet également d’estimer des paramètres de vagues: hauteur significative et période. Déployé au point fixe, il enregistre les variations temporelles de la vitesse sur toute la colonne d’eau et des vagues. Les mesures réalisées à partir d’une plateforme mobile servent à cartographier les courants dans une zone géographique étendue.
Pingueur pour station Benthique
cet équipement a pour but de controler le positionnement de la station sur le fondmarin et la récupération de la station en de déploiement. L’équipement comprend un module de communication acoustique, un largueur et une bouée qui sera larguée sur commande et servira à remonter la station benthique à bord du bateau.
Capteur d’absorption des particules marines OSCR TRIOS
Ce capteur va fournir un spectre d’absorption hyperspectral
(une mesure entre 360 et 750nm tous les 3nm). L’absorption fait partie des grandeurs essentielles pour caractériser optiquement le milieu étudié. Par rapport aux méthodes employées jusque là pour estimer l’absorption, cet instrument présente l’avantage d’être quasi autonome (nécessite une alimentation externe) et de faire des mesures in-situ.
Capteur multiparamétrique
Réalisation de mesures haute fréquence sur l’estran, de température, salinité, turbidité, oxygène dissous, fluorescence.
Contact:
Prof. Felipe ARTIGAS (ULCO/LOG): felipe.artigas@univ-littoral.fr
Dr. Viviane BOUT-ROUMAZEILLES (CNRS) : viviane.roumazeilles@univ-lille.fr